
éditions Delcourt, 2022.
Il s’agit d’un roman de Neil Gailman (bien connu pour son très réussi Coraline, adapté à l’écran), mis en bande dessinée par P. Craig Russell, qui, justement, avait adapté le roman Coraline en BD.
L’histoire, qui appartient au genre fantastique de tendance gothique, met en scène un jeune garçon dont les parents et la sœur ont été assassinés ; meurtre non élucidé mais très vite classé, sans que l’on sache pourquoi.

Encore bébé au moment des faits, le garçon, prénommé Nobody à défaut de pouvoir dire son prénom, est recueilli par un couple de fantômes – les Owens – qui vivent parmi les leurs, dans un grand cimetière près de ce qui ressemble à une ville moyenne d’Angleterre. Adopté par les Owens, Nobody, ou Bod, a aussi un mentor, Silas, personnage majeur du récit dont le lecteur devine rapidement la nature (il n’est ni mort, ni vivant, dort dans un cercueil et a une amie roumaine…).

C’est dans cet environnement très vivant, quoique macabre, que grandit le jeune homme. Ses amis sont presque tous des fantômes ; lui seul peut les voir, et son statut de résident du cimetière – en quelque sorte ! – lui confère quelques pouvoirs surnaturels qui se révèlent précieux lorsque sa curiosité et sa hardiesse lui font récolter des ennuis. Car Bod, en grandissant, ressent plus vivement la solitude et l’isolement du monde des vivants. Il faut dire que ses camarades de jeu restent figés dans le même âge, tandis que lui devient un adolescent plein de fougue, dont la soif de connaissances s’éveille. Inévitablement se posent à lui des questions essentielles : quel est son véritable nom ? qui étaient ses vrais parents ? et pourquoi cherche-t-on encore à le tuer ?

Au fil de ces aventures où le héros rencontre plusieurs types de créatures surnaturelles, goules, vouivres, sorcières… on s’attache à son personnage, ainsi qu’à son mystérieux mentor, et l’on est aussi impatient que lui d’élucider le mystère qui entoure le meurtre de sa famille. Cet appétit restera malheureusement un peu frustré, le dénouement de l’intrigue étant mené trop hâtivement. On aurait aimé avoir plus de détails ; l’arrière-plan de cette affaire, qui semblait prometteuse, manque de structure et déçoit quelque peu. De plus, quoique très plaisants dans leur ensemble, certains chapitres sont d’un degré d’intérêt un peu inférieur.
Mais ce ne sont que quelques bémols pour cette œuvre originale, divertissante et émouvante. Les huit chapitres sont illustrés par un ou plusieurs illustrateurs différents, procédé que je n’avais encore jamais rencontré et qui peut surprendre, dans un premier temps. Cependant, le style des personnages reste assez homogène pour que cela ne gêne pas la lecture, et je pense que cette diversité de dessins apporte finalement une richesse supplémentaire à l’ouvrage.

Un bon album, plutôt classé en « comics » qu’au rayon « jeunesse ». Le roman original de Neil Gaiman est indiqué « à partir de treize ans » sur certaines librairies en ligne. Les toutes premières pages de la BD sont plus difficiles (dessins assez crus au sujet du meurtre), mais dans la suite de l’album, l’accent n’est pas mis sur la violence, et l’ensemble constitue une bonne lecture pour des ados. Et les adultes ont aussi le droit de le lire avec plaisir !
